Evangile selon Saint Jean, XIe siècle
Fragment de manuscrit. Parchemin. XIe siècle.
Evangile selon Saint Jean, XIe siècle
Fragment de manuscrit. Parchemin. XIe siècle.
Le texte est un extrait de l’Évangile selon Saint Jean. Il commence au verset 23 du chapitre XVII et se termine, au verso, au verset 8 du chapitre XVIII.
Écrit en erkat’agir sur deux colonnes de 19 lignes. La surface écrite est de 245 mm x 155 mm.
On remarque à 17 mm de la bordure gauche de la feuille, 19 piqûres verticales (plus visibles vers le haut) destinées à l’espacement des 19 lignes. Le milieu de la page est marqué par un point dans l’entrecolonnement.
À la fin de certaines lignes une ou deux lettres écartées indiquent la justification des colonnes. L’écriture erkat’agir arrondie est de la seconde moitié du XIe siècle. Les lettres ont de 5 à 6 mm, les majuscules à l’initiale des versets, 15 mm. Le texte comprend des signes de ponctuation et d’intonation. Encre d’un brun foncé, plus clair par endroits. Le nom « Y[isu]S » est abrégé et surligné par un signe d’abréviation. Les nomina sacra ainsi que la première ligne du chapitre 18 sur le recto sont écrites à l’encre d’or. Les indications de sections, en chiffre-lettres, se voient dans les marges externes, internes et dans l’entrecolonnement. les indications renvoyant aux sections des canons sont présentent dans les marges inférieures.
Suivant la rubrication ancienne des manuscrits arméniens, le chapitre 18 (sur le recto) commence par le verset « Judas, qui le trahissait, connaissait aussi ce lieu-là… » (actuellement Jn 18,2), marqué par l’initiale « G » ornée et par l’utilisation de l’encre d’or pour la première ligne. Après le changement de la rubrication au XIIIe siècle, ce verset devient le deuxième du chapitre 18.
La lettrine ornée à l’initiale « G » (hauteur 77 mm) est formée d’une tige étroite qui s’élargit en triangles aux extrémités. des tigelles en bleu, rouge et vert noirci, rehaussées d’or se nouent de place en place, en entrelacs. En face, dans la marge externe, une Croix en or, composée de losanges et de boules alternées, repose sur un socle composé de deux éléments, arrondi puis triangulaire à la base. Chacun sont ornés de motifs où domine le bleu vif et le rouge soulignés d’or.
Edda Vardanyan
L’art du livre en Arménie est lié à l’invention de l’écriture. Jusqu’au Ve siècle de notre ère, les habitants du plateau arménien avaient successivement utilisé l’écriture cunéiforme (Ourartou), puis, au fur et à mesure des conquêtes, l’araméen (époque perse), le grec (période hellénistique et parthe) et les caractères latins (domination romaine).
Poussé par la nécessité d’avoir une écriture spécifique adaptée à la langue, un moine arménien, Mesrop Mashtots, inventa vers l’an 405 un alphabet composé de trente-six lettres ou graphèmes correspondant aux trente-six phonèmes de la langue orale utilisée au Ve siècle.
Le livre le plus diffusé et reconnu dans cette nation chrétienne, fut retranscrit en premier : La Bible.
Ceci permit l’apprentissage de l’alphabet par les nombreux copistes des monastères qui agirent comme un réseau de diffusion de la chrétienté renforçant par là même, l’identité arménienne. Cette transmission d’une culture et d’une religion permit de protéger l’identité d’une civilisation au-delà des vicissitudes de l’histoire.
Les textes furent au début, pour la plupart, de nature religieuse, bibliques (Bible-Evangiles) ou liturgiques (Lectionnaires-Hymnaires-Psaumes-Homéliaires, etc.).
À partir de la fin du IXe siècle, les multiples ouvrages crées dans les monastères, diffusent l'alphabet, la langue, la foi et la culture à travers l’écriture : et c’est l’union de la lettre et de la religion qui, malgré les atermoiements de l'Histoire lui supprimant régulièrement ses propres frontières, assureront la survie de ce peuple.
Pour agrémenter la lettre, le peintre prête son concours au scribe et c’est au travers du livre que nous avons la meilleure expression de l’art pictural arménien.
En 1511 apparaît le premier livre imprimé arménien, mais l’importance du manuscrit est telle que, au contraire des autres pays, l’impression de livres arméniens n’atteindra son plein développement qu’au XVIIIe siècle et ne pourra remplacer l’œuvre de la main avant le XIXe siècle.