Hymnaire, 1332
Parchemin, daté de 1332 dans le colophon
Hymnaire, 1332
Parchemin, daté de 1332 dans le colophon
Version intégrale sur la BVMM (IRHT-CNRS)En arménien : Charaknotz.
Texte se référant à Jonas et la baleine.
Le titre écrit à l’encre rouge annonce le Canon du prophète Jonas, prévu pour sa commémoration.
Le texte est accompagné de l’enluminure marginale qui représente Jonas sortant du ventre de la baleine. L’iconographie du sauvetage du prophète est soulignée par une floraison composée de feuilles stylisées formant un arc au-dessus de sa tête. Elle fait allusion à la plante que Dieu a fait croître pour ombrager Jonas près des portes de Ninive après son sauvetage (Jonas IV, 6). En même temps, toute l’image sous le nom du « signe de Jonas » est le symbole de la Résurrection du Christ.
En effet, dans les Évangéliaires arméniens illustrés, on peut voir la même composition marginale en relation avec le texte de l’Évangile selon Matthieu (XII, 38-40). Ce passage raconte que les scribes et les pharisiens demandent à Jésus un miracle qui pourrait servir de signe de sa mission divine. Jésus leur répond qu’il ne leur sera pas donné d’autre signe que celui de Jonas. Le lien serait suggéré par l’expression « trois jours et trois nuits » : « De même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre ».
C’est ce signe symbolique « de Jonas », qu’on voit ici, à côté de l’Hymne dont le texte débute par une évocation du passage susmentionné de Matthieu et qui ensuite, établit un parallèle entre l’histoire de Jonas et la Résurrection du Christ.
Edda Vardanyan
L’art du livre en Arménie est lié à l’invention de l’écriture. Jusqu’au Ve siècle de notre ère, les habitants du plateau arménien avaient successivement utilisé l’écriture cunéiforme (Ourartou), puis, au fur et à mesure des conquêtes, l’araméen (époque perse), le grec (période hellénistique et parthe) et les caractères latins (domination romaine).
Poussé par la nécessité d’avoir une écriture spécifique adaptée à la langue, un moine arménien, Mesrop Mashtots, inventa vers l’an 405 un alphabet composé de trente-six lettres ou graphèmes correspondant aux trente-six phonèmes de la langue orale utilisée au Ve siècle.
Le livre le plus diffusé et reconnu dans cette nation chrétienne, fut retranscrit en premier : La Bible.
Ceci permit l’apprentissage de l’alphabet par les nombreux copistes des monastères qui agirent comme un réseau de diffusion de la chrétienté renforçant par là même, l’identité arménienne. Cette transmission d’une culture et d’une religion permit de protéger l’identité d’une civilisation au-delà des vicissitudes de l’histoire.
Les textes furent au début, pour la plupart, de nature religieuse, bibliques (Bible-Evangiles) ou liturgiques (Lectionnaires-Hymnaires-Psaumes-Homéliaires, etc.).
À partir de la fin du IXe siècle, les multiples ouvrages crées dans les monastères, diffusent l'alphabet, la langue, la foi et la culture à travers l’écriture : et c’est l’union de la lettre et de la religion qui, malgré les atermoiements de l'Histoire lui supprimant régulièrement ses propres frontières, assureront la survie de ce peuple.
Pour agrémenter la lettre, le peintre prête son concours au scribe et c’est au travers du livre que nous avons la meilleure expression de l’art pictural arménien.
En 1511 apparaît le premier livre imprimé arménien, mais l’importance du manuscrit est telle que, au contraire des autres pays, l’impression de livres arméniens n’atteindra son plein développement qu’au XVIIIe siècle et ne pourra remplacer l’œuvre de la main avant le XIXe siècle.Dans la première moitié du VIIIe siècle avant J.-C. dans le royaume du Nord d’Israël, le prophète Jonas reçoit de Dieu la mission de transmettre le message divin au peuple dépravé de Ninive, en Mésopotamie. Mais il n’est pas prompt à obéir et s’enfuit loin de la présence de l’Éternel à bord d’un bateau en partance pour l’Espagne. Durant la traversée, la mer se déchaîne. Les marins pris de peur implorent Dieu de les sauver. Le capitaine soupçonne alors Jonas d’être à l’origine de cette tempête. Il est décidé de tirer le coupable au sort. Jonas est désigné et jeté par-dessus bord. La furie disparaît sur-le-champ. Jonas est avalé par un grand poisson, peut-être une baleine. Dans le ventre de l’animal il prie l’Éternel pendant trois jours. Il finit par comprendre qu’il doit sortir de cette situation et sauver la ville de Ninive du chaos.
Dieu l’entend, la baleine vomit Jonas sur les rives de Ninive où il se rend et finit par convaincre les habitants de la ville de se repentir.
Au-delà du récit merveilleux de Jonas, il faut comprendre le rapport entre l’ancien et le nouveau Testament : nous pouvons rapprocher les trois jours et trois nuits passées en prières par Jonas dans le ventre de la baleine, aux trois jours passées « dans le ventre de la terre » par Jésus avant sa résurrection.
Jonas et Jésus ont suivi les volontés de Dieu.