Lettre du prélat d’Ispahan, 1744
Manuscrit sur papier 1744, Ispahan.
Lettre du prélat d’Ispahan, 1744
Manuscrit sur papier 1744, Ispahan.
Il s’agit d’une belle et longue missive de Astvatzatour, prélat du monastère Amènap‘rkitch (« du Saint Sauveur de Tous) d’Ispahan, à tous les arméniens de l’Inde.
Depuis le XVIe siècle, les marchands arménien de la Nouvelle Djoulfa à Ispahan en Perse ont fondé des colonies aux Indes avant de s’étendre vers la Chine.
En haut est représentée la Trinité, au-dessous de laquelle on voit à gauche la cathédrale Amènap’rkitch de la Nouvelle Djoulfa et à droite son clocher gardé par deux anges. Au centre figure l’apôtre Thaddée, dont les reliques se trouvent dans la cathédrale, tout comme la Dextre de Joseph d’Arimathie que l’on voit devant lui.
La première ligne est en lettres ornithomorphes, avec une belle initiale : Yerrordak[a]n a[stoua]tzout’i[a]n (« À la divinité trinitaire), elle continue sur la seconde en erkat’agir bleu : miapétakan ichkhanout’è[a]ns zougahavasar têrout’iann (« [dont les constituants] ont un pouvoir égal »). La ligne suivante, en bolorgir rouge, commence par : Anspar hèghmounk’chnorhats, [« Les flots inépuisables des grâces »]. À partir de la 5e ligne, le texte passe en notrgir noir, sauf le mot Amènap’rkitch qui se détache chaque fois en rouge. Tout le texte est constitué d’interminables bénédictions.
À partir du milieu de la 8e ligne, on lit : i véray arhasarak hamataratz aménits hayazoun k‘ristonéitsd hndk[a]tsv[o]ts*i (« Sur tous les Arméniens chrétiens répandus dans le pays des indiens »), le dernier signe étant un idéogramme signifiant « pays ». Plus loin on lit le nom du prélat, le Vardapet Astvatzatour, qui succède au Vardapet Yakob. Les destinataires de la lettre sont précisés à partir du milieu de la 15e ligne : haykatohm hamaynits joghovrdakanats ork‘i tann bolor hndkats k‘aghak‘ats èv i gavarats /Aysink‘n i madrasou hrtchakéli k‘aghak i èvi bankalou baréli k‘aghak‘i/ èvi p‘êkouay pantzalvoy k‘aghak‘i (« à toutes les communautés arméniennes qui se trouvent dans les villes et les provinces d’Inde c’est-à-dire à la magnifique ville de Madras et à la bienveillante ville de Bengale à la glorieuse ville de Pégou »).
L’avant-dernière ligne se termine par Amèn. La dernière est le colophon, qui se termine par : end hovanial s[r]b[o]y Amènap‘rkitch vanis t‘iv p‘ok‘r a dama p[a]tkèr ōr Avétits s[r]b[o]y a[stou]tzatzn[o]yn : Avetis èritsou (« sous la protection de ce monastère Saint Sauveur de Tous, en l’an 128 de la petite ère, le 18 de dama, jour de l’Annonciation de la sainte Mère de Dieu. Du prêtre Avétis »). La « petite ère » est celle du calendrierd’Azaria Djoughayétsi qui commence en 1616, l’année 128 étant donc 1744 ; dama est le nom du mois dont le 18 coïncide avec le 7 avril, jour de l’Annonciation.
Edda Vardanian. Gévorg Ter-Vardanyan. Jean-Pierre Mahé.
La Vieille Charité- Marseille. Exposition Arménie, La Magie de l’Ecrit- Claude Mutafian, catalogue page 373 n° 5.77
Éditions Somogy 2007
L’art du livre en Arménie est lié à l’invention de l’écriture. Jusqu’au Ve siècle de notre ère, les habitants du plateau arménien avaient successivement utilisé l’écriture cunéiforme (Ourartou), puis, au fur et à mesure des conquêtes, l’araméen (époque perse), le grec (période hellénistique et parthe) et les caractères latins (domination romaine).
Poussé par la nécessité d’avoir une écriture spécifique adaptée à la langue, un moine arménien, Mesrop Mashtots, inventa vers l’an 405 un alphabet composé de trente-six lettres ou graphèmes correspondant aux trente-six phonèmes de la langue orale utilisée au Ve siècle.
Le livre le plus diffusé et reconnu dans cette nation chrétienne, fut retranscrit en premier : La Bible.
Ceci permit l’apprentissage de l’alphabet par les nombreux copistes des monastères qui agirent comme un réseau de diffusion de la chrétienté renforçant par là même, l’identité arménienne. Cette transmission d’une culture et d’une religion permit de protéger l’identité d’une civilisation au-delà des vicissitudes de l’histoire.
Les textes furent au début, pour la plupart, de nature religieuse, bibliques (Bible-Evangiles) ou liturgiques (Lectionnaires-Hymnaires-Psaumes-Homéliaires, etc.).
À partir de la fin du IXe siècle, les multiples ouvrages crées dans les monastères, diffusent l'alphabet, la langue, la foi et la culture à travers l’écriture : et c’est l’union de la lettre et de la religion qui, malgré les atermoiements de l'Histoire lui supprimant régulièrement ses propres frontières, assureront la survie de ce peuple.
Pour agrémenter la lettre, le peintre prête son concours au scribe et c’est au travers du livre que nous avons la meilleure expression de l’art pictural arménien.
En 1511 apparaît le premier livre imprimé arménien, mais l’importance du manuscrit est telle que, au contraire des autres pays, l’impression de livres arméniens n’atteindra son plein développement qu’au XVIIIe siècle et ne pourra remplacer l’œuvre de la main avant le XIXe siècle.Évangile selon Saint Luc – Chapitre 1.
L’Ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth
à une jeune fille vierge promise en mariage
à un homme de la Maison de David appelé Joseph
et le nom de la jeune fille était Marie.
L’Ange entra chez elle et dit :
« Je te salue, Comblée de grâce, le Seigneur est avec toi !
Sois sans crainte, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils.
Il sera grand, il sera appelé Fils du Très Haut.
L’Esprit Saint viendra sur toi
et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre.
C’est pourquoi celui qui va naître sera Saint, et il sera appelé Fils de Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur.
Que tout se passe pour moi selon ta parole. »